Heureuse initiative du Musée de Montmartre d’organiser, jusqu’au 14 septembre 2025, une
exposition originale consacrée au peintre Maximilien Luce (1858-1941) pour célébrer un artiste
indépendant, discret préférant l’ombre à la lumière , apprécié des historiens de l’art et des
collectionneurs et lui redonner la place (qu’!l mérite) au soleil du grand public!
Le peintre surprend le visiteur par la richesse de ses couleurs, la lumière et sa technique
influencée, au départ mais il s’en éloignera, par le divisionnisme de Seurat puis du pointillisme
notamment par ses paysages de Montmartre autour de la rue Cortot où il a vécu quelques
années, mais qu’il n’a jamais oublié ou d’autres quartiers de Paris. Ses voyages en France que ce
soit : dans le sud, en Bretagne, en Bourgogne, à Rolleboise (près de Giverny) témoignent de son
art néo impressionniste.
Sa découverte et son véritable coup de coeur pour Rolleboise marquent un tournant dans sa vie
de peintre. Il va souvent rencontrer Monet à Giverny Il est entouré d’amis, apprécié par les
villageois et connaît un certain succès et une reconnaissance. Au fil des années, Il finit par trouver
la sérénité et la douceur de vivre qui se reflètent dans les couleurs de ses tableaux baignés de
lumière: paysages, scènes du quotidien.
L’exposition s’intitule « l’instinct du paysage » et pourtant le côté social semble présent chez cet
artiste touche à tout (graveur, dessinateur, caricaturiste, peintre, sculpteur, céramiste). Maximilien
Luce a toujours ressenti de l’empathie pour les pauvres, les ouvriers ! Il a vécu la Commune,
rejoint le mouvement anarchiste du XIVe par ses idées, ses caricatures et ses dessins.
L’assassinat du Président Sadi Carnot en 1894 aura pour conséquence la mise en oeuvre des
« Lois Scélérates » et un prétexte pour l’ emprisonner pendant 42 jours. Au cours de son
incarcération, il produit une quantité impressionnante de dessins. Un reportage unique dénonçant
la fausse impression de traitements plus humains des prisonniers alors que les conditions
d’isolement psychologique, la surveillance constante et invisible des gardiens avaient pour
objectif de casser les détenus, les atteindre dans leur vulnérabilité. Après avoir été acquitté faute de preuves, Le séjour carcéral renforce sa pensée rebelle et son esprit de liberté.
Mais quel que soit le thème violent du travail des ouvriers, des enfants (notamment « les
« batteurs de pieux » , « le percement de l’avenue Junot »,« la constructions du Sacré Coeur » « la
construction du Quai de Passy », « la fonderie de Charleroi, » « « la verrerie »), Maximilien Luce
éblouit le visiteur par ses jeux de lumière, qui illuminent la plupart de ses toiles dans des couleurs
parfois pastel parfois sombres.
Ses dessins, ses caricatures sont ses armes d’un combat social engagé face aux injustices et aux
inégalités mais il refuse toute forme de misérabilisme. Il veut tout simplement être le témoin. Il
publie ses dessins et caricatures dans l’hebdomadaire « le Père Peinard » de son ami Emile
Pouget. Il collabore avec Jean Grave lorsque son journal anarchiste le Révolté, la Révolte devient
« les Temps nouveaux ».
En 1901 Jean Grave crée la « voix du peuple » (organe de la CGT). Maximilien Luce prend position dans l’affaire Dreyfus ! En 1897, ses caricatures critiquent les dessinateurs anti dreyfusards Jean Louis Forain et Caran d’Ache. Il soutient Emile Zola et le Capitaine Dreyfus. Après avoir été Vice Président des Artistes Indépendants, il est nommé Président en 1934. Il démissionne en 1940 pour protester contre la discrimination envers les artistes juifs. Il est temps de saluer le talent et le courage d’un artiste engagé par ses dessins et ses caricatures pour la défense des Droits de l’Homme, des ouvriers, contre l’antisémitisme, la désinformation !
J’admire également son souci de l’esthétique, la magie de sa palette de couleurs. Maximilien
Luce est un artiste lumineux dans tous les sens du terme! Une belle citation de l’artiste trouvée
dans le très beau catalogue de l’exposition « Ce n’est grâce à l’appréciation des belles choses
que nous pouvons tenir à la vie et ne pas désespérer absolument de l’humanité »
Nadine Szlifersztejn Paris, le 19 juillet 2025

Maximilien Luce, Fonderie la coulée Charleroi, 1896 © Musée de l’Hôtel-Dieu

Maximilien Luce, Le Chantier, 1911 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Maison de l’artiste à Rolleboise, 1922 (date à laquelle il a acheté sa maison proche de Giverny et où il a vécu jusqu’à son décès en 1941) © Musée des impressionnismes Giverny